Le tribunal judiciaire de Paris avait été sollicité par le syndicat Sud PTT, qui reprochait à La Poste de ne pas prendre en compte les conditions dans les entrepôts où des travailleurs sans-papiers étaient exploités. La question de savoir si La Poste a manqué à son devoir de vigilance concernant l'emploi de travailleurs sans-papiers au sein de ses filiales a été tranchée ce mardi par le tribunal judiciaire de Paris, en réponse à une assignation déposée par le syndicat Sud PTT. La décision de la justice a été de demander à l'entreprise d'élaborer un plan de vigilance plus complet, incluant notamment une cartographie des risques, comme l'a indiqué un communiqué publié ce mardi.
l s'agit de la première décision de fond rendue par une juridiction en application de la loi relative au devoir de vigilance, selon les informations fournies par l'institution. Cette loi, en vigueur depuis 2017, impose aux grandes entreprises françaises de divulguer un plan de vigilance concernant les risques humains et environnementaux liés à leurs activités. Cela englobe également les entités affiliées, les fournisseurs et les prestataires de services, qu'ils soient des filiales directes ou indirectes.
Le tribunal, dans sa décision, est d'avis que la phase initiale de la cartographie des risques, visant à les identifier, les analyser et les hiérarchiser, n'est pas conforme aux exigences légales en raison de son manque de précision. En conséquence, il conclut que le plan de vigilance ne permet pas d'évaluer si la stratégie d'évaluation est en adéquation avec la gravité des atteintes et si elle couvre effectivement les risques identifiés comme prioritaires. Par conséquent, il enjoint à La Poste d'établir des procédures d'évaluation des sous-traitants en fonction des risques spécifiques identifiés par la cartographie des risques.
Le tribunal impose également à La Poste de compléter son plan par la mise en place d'un mécanisme d'alerte et de collecte de signalements après consultation des organisations syndicales représentatives, ainsi que la publication d'un dispositif effectif de suivi des mesures de vigilance. Bien que le tribunal constate que La Poste montre une démarche dynamique d'amélioration annuelle de son plan de vigilance, il n'a toutefois pas assorti cette décision d'une sanction financière.
Sud PTT accusait La Poste de négligence envers les conditions dans les entrepôts où des travailleurs sans papiers étaient exploités, soulignant que l'entreprise avait l'obligation de prendre des mesures concrètes envers ses sous-traitants, au-delà de simples déclarations. Le syndicat, reprochant des lacunes évidentes dans la rédaction et la mise en œuvre du plan de vigilance de La Poste, avait intenté une action en justice contre le groupe en 2021.
En septembre dernier, l'avocat de La Poste, Olivier Attias, a plaidé que bien qu'il y ait eu des incidents malheureux, cela ne signifiait pas que le plan de vigilance de La Poste était défaillant. Il avait souligné l'absence de précision dans la loi quant à la forme du plan de vigilance, affirmant que la seule obligation était d'en avoir un.
De plus en plus de grandes entreprises, dont TotalEnergies, Suez, BNP Paribas, Casino, Yves Rocher et Teleperformance, font face à des accusations de non-respect de leur devoir de vigilance. Jusqu'à présent, aucune de ces procédures n'a abouti à une condamnation. En juin dernier, le Parlement européen a voté en faveur de l'imposition d'un "devoir de vigilance" aux entreprises de l'Union européenne, mais le texte doit encore être négocié avec les États membres.